Laether Isao

III. Présentation du Pouvoir

« Projection des émotions »

Isy a six ans. Il a suivi son plus grand frère, qui ne voulait pas qu’il le suive, rejoindre des amis à lui. Il court pour ne pas le perdre – y arrive, s’épuise. Mais quand il arrive, son frère le rejette violemment ; il ne se prend que vilaines moqueries et regards méprisants du groupe de garçons plus grands. Mais… Il voulait simplement être avec son frère ! Il est trop chouette, son frère ! Qu’a-t-il fait pour mériter ça ? Touché par l’injustice du moment, il sent les larmes lui monter aux yeux, et il éclate en sanglots. Les visages des autres se tordent de tristesse à leur tour – et bientôt tout le monde est autour de lui, à essayer de le consoler, à tout vouloir faire pour qu’il ne se sente plus rejeté…

Isy a huit ans. Son cadet vient de lui voler son gâteau. Il hurle. Ça fait trois jours, déjà, qu’il fait tout pour l’embêter, qu’il remplit ses sabots de farine, met de la confiture sur sa chaise et le fait punir par sa mère. Il lui court après, la colère l’envahissant – bientôt, il entend les voix s’élever autour de lui, celle de sa mère qui crie, les chiens aboient, le chat sur les genoux de sa sœur la griffe avant de partir en courant, et sa sœur elle-même commence à s’énerver, comme un brouhaha de fond – puis un frère commence à frapper l’autre, un troisième se joint à eux, un chien leur mord les mollets, il ne sait plus ce qu’il se passe… C’est seulement en voyant son cadet au sol, pleurant en se tenant le nez, qu’Isy se sent soudain tout effrayé – qu’est-ce qu’il se passe ? Ils n’ont jamais été violents entre eux, pas vraiment, pas comme ça…

C’est seulement plus tard qu’Isy comprit en quoi consistait son pouvoir. Sensible, il balance ses émotions autour de lui, de sorte qu’elles sont ressenties par autrui. Lorsque ses émotions sont honnêtes, il les fait simplement ressentir aux gens autour de lui, comme si ceux-ci accédaient à un sens en plus, qu’en plus de voir, d’entendre et de toucher, ils pouvaient aussi sentir les émotions des autres. Il apprit à l’Académie, plus tard, à projeter et à garder pour lui – il apprit aussi, à ses dépens, à quel point il pouvait être douloureux de vouloir imposer une émotion à quelqu’un. S’il projette une émotion qui n’est pas vraiment en adéquation avec ce qu’il ressent, qu’il essaie volontairement de faire ressentir quelque chose à quelqu’un, son corps brûle, extrêmement douloureux. Il n’est pas près de devenir manipulateur !

A présent, Isy projette peu, et quand il projette, c’est surtout la joie, le calme et l’enthousiasme qu’il partage avec les autres, faisant de lui quelqu’un d’agréable à côtoyer. Certains événements ayant mal tournés dans son enfance et ayant particulièrement conscience de la force de ses émotions, il est extrêmement prudent sur ses ressentis.

IV. Apparence & Personnalité

Isy ne sort pas particulièrement du lot, lorsqu’on le voit dans son milieu naturel, à savoir, au beau milieu des Laether. Déjà, il est brun, comme tous les autres, ce qui n’aide pas des masses. Ses cheveux lui tombent dans le cou, et noient un visage plutôt banal, au nez par-fait un peu pointu peut-être, petite touche qui fait certainement partie de ce qui le rend avenant. C’est, surtout, un visage mobile, avec des lèvres toujours en mouvement, pour sourire, pour parler, pour rigoler, pour grimacer. Il a les yeux changeants eux aussi, noisette, parsemés de touches vertes ou jaunes plus ou moins visibles selon des critères non définis (libres à vous d’étudier l’influence que peut avoir l’heure de la journée, le lieu ou la couleur du pantalon sur la couleur de ses yeux). Plutôt grand et bien bâti grâce aux longues années de travail aux champs, il n’a absolument jamais froid, au grand désarroi de sa mère qui a toujours peur qu’il tombe malade.

Il aime les farïs, les pommes, le son de l’harmonica, les vieux objets, les légendes, les oiseaux.

Il fait bon être Isy ; il est toujours de bonne humeur et respire le printemps. Il semble se laisser porter par les événements, sans trop se poser de questions. On ne peut pas s’ennuyer, à ses côtés, alors qu’il a toujours une nouvelle histoire à raconter, une nouvelle bêtise à proposer ; il sait, mieux que personne, changer les idées de n’importe qui – et surtout en n’importe quoi. Avant tout, il est franc et sincère, avec lui-même et avec les autres, qu’il sait particulièrement bien écouter et prendre en compte. Il n’a aucune rancune, oublie facilement le mal fait, sait reconnaître ses propres torts et s’excuser sans rechigner. Il sait ce qui lui importe, et agit simplement par rapport à ça, sans hésiter à dire non lorsqu’il ne veut pas quelque chose, et sans se préoccuper ou fourrer son nez dans ce qui ne le regarde pas. Il aime rire, faire rire, ne pas prendre la vie au sérieux et ne pas se prendre au sérieux non plus. Toujours à rêver d’aventures, il est force motrice, et se jette dans les propositions qui lui sont faites avec un enthousiasme et une joie qui trouvent difficilement leurs égaux. Il n’est pas casse-cou pour autant ! Il a ainsi tendance à encourager les autres sans s’en rendre compte, puisqu’il ne prend pas en compte toutes les difficultés qui créent tant de barrières pour d’autres. Il n’aime pas la fin des livres – il aime s’arrêter en plein milieu, et inventer la suite pour la réinventer ensuite et qu’il n’y ait jamais de véritable fin, pas sur le papier, pas dans sa tête…

V. Historique

La clochette de l’entrée sonna, et le petit garçon de sept ans qui écrivait sagement à un bureau leva le nez, puis le reste de sa personne. Il regarda autour de lui, un peu affolé : il ne trouva ni  papa, ni maman, ni ses frères, ni sa sœur, il était seul dans la pièce, il n’y avait personne d’autres pour accueillir ceux qui venaient d’entrer… Déjà fort d’un sens de l’initiative incroyable, il s’approcha et sourit à l’adulte.

« Bonjour, je m’appelle Isy Laether, je peux vous aider ? »

Son regard fouillait le visage de l’adulte devant, espérant pouvoir y trouver un indice sur ses intentions. Il irait chercher Papa, après que…

« Voleur de prénom ! C’est moi, Isil ! C’est MOI ! »

Il fut complètement désemparé par l’accusation de la petite fille qu’il n’avait d’abord pas vue ; et son émotion partit immédiatement les cueillir au creux du ventre, un désarroi affreux à l’idée de pouvoir être un monstre, un voleur de prénom, à avoir fait mal à cette petite fille qu’il ne connaissait pas et le regardait avec des yeux bleus déjà blessés. Puis les mots l’atteignirent à un autre niveau – celui de la compréhension – et le désarroi se calma pour laisser la place à un soulagement joyeux. Il courut vers elle, et lui prit les mains.

« Oh, mais je ne volerai jamais ton prénom, je ne voudrais jamais te faire mal comme ça ! C’est toi, Isil, moi je suis Isy, juste Isy ! »

Et c’est sur cette promesse que commença une longue et solide amitié.

*

La vie d’Isy a été rythmée par l’almanach, les récoltes, les pleins greniers, les foires et l’activité incessante d’une famille plutôt bruyante. Ses souvenirs d’enfance incluent principalement sa famille et celle des Janssens. Déjà petit, il inventait toujours des histoires farfelues, sortant souvent des mensonges qui n’en étaient pas puisque personne n’y croyait guère plutôt que la vérité lorsqu’une accusation lui était faite. Ainsi, vous l’entendrez raconter qu’un Omareth avait pour pouvoir de changer la couleur de tout ce qu’il touchait et, amoureux du violet, avait choisi celle-ci pour bâtir Ridewall. S’il vous raconte ça un soir dans une ambiance d’histoire à faire peur, il parlera plutôt du sang des morts à la surface qui aurait coulé des stalactites au-dessus de la cité, ou encore qu’un ancien jury donnait systématiquement comme sanction, aux condamnés, de peindre une pierre en pourpre…

A 17 ans, il sera conteur, scribe, calamier. On lui laisse les cahiers de bord – avant de les lui retirer en voyant les idioties avec lesquelles il les recouvrait. « Aujourd’hui, panique à l’hacienda ! Que se passe-t-il ? Autour du poulailler, notre chien le plus féroce, le plus beau, le plus grandiose, semble avoir pressenti un danger ! Terrence, téméraire, s’approche alors avec prudence, ouvrant la porte en grand avant de reculer d’un pas et d’y jeter un œil… Qu’y voit-il ? Oh ! Au cœur du poulailler, les poules nous auront aujourd’hui fait don, posés à même la paille, ...d’un grand total de douze œufs ! » La colère de son père aurait peut-être été remplacée par le rire si, face à ces petites anecdotes, il n’avait pas systématiquement oublié d’écrire le jour de l’almanach.

C’est peu après qu’un rôdeur avait ordonné qu’une partie de leur terrain soit mis au repos pour l’année à venir. Tout le monde avait râlé – sauf Isy, qui était parti lui poser plein de questions sur le pourquoi et le comment. Taciturne, le rôdeur n’avait pas particulièrement apprécié la curiosité du jeune homme. Dans la tête d’Isy, qui n’avait pas su se rendre utile dans la gestion de l’hacienda, qui détestait depuis toujours les aspects commerciaux et qui était le seul de la famille à ne pas avoir un pouvoir lié aux plantes et à la terre, l’idée de partir sur les routes et d’appréhender la faune et flore autrement faisait doucement son chemin. Il avait toujours rêvé de voyages – et il se demandait, à présent, ce qu’il faisait encore là, les pieds enracinés sur une terre sédentaire. Lorsqu’il avait demandé au rôdeur de bien vouloir lui apprendre son art, celui-ci avait immédiatement tenté de le décourager, lui disant qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour être rôdeur, qu’il regretterait, qu’il ferait demi-tour à la première difficulté et lui ferait perdre son temps. Devant l’insistance du garçon, le rôdeur avait pourtant fini par accepter – lui faisant seulement savoir qu’il partait dès maintenant, et que s’il voulait le suivre, il ne pouvait pas vraiment l’attacher à un arbre. Isy avait sauté de joie, avant de comprendre que le rôdeur parlait véritablement au premier degré – et qu’il partait. Ce qui ne lui laissait le temps de dire au revoir à personne. Il eut beau demander au rôdeur d’attendre, celui-ci avançait sur le dos de son ours… Mais Isy ne l’entendait pas de cette oreille. Il courut jusque chez lui, ouvrit la porte à la volée, embrassa sa mère sans s’arrêter de parler :

« Je pars ! Avec le rôdeur ! Fais-attention à toi, dis au revoir à Papa, Loan, Elven, Terrence et Magly pour moi, et à Isil surtout, j’vous ramènerai des présents à l’occasion, souhaite-moi bonne chance ! »

« Que… »

Sa mère n’avait rien eu le temps de dire de plus, à peine celui de lui fourrer une tarte aux pommes dans les bras – elle avait au moins compris qu’il partait, et son fils était un estomac sur pattes.

Elle n’avait pas compris, par contre, qu’il n’avait pas l’intention de revenir pour dîner.

Mais Isy était parti.

Il ne retrouva le rôdeur que le surlendemain, et eut la satisfaction de voir un instant de surprise traverser son visage taciturne. Une nouvelle vie commence. Une nouvelle vie qui était faite des silences du rôdeur, des plaisanteries d’Isy qui tentait tant bien que mal de le dérider, et d’un apprentissage qui était plutôt le fruit du hasard que quelque chose de réfléchi – le rôdeur ne changeait en rien ses habitudes pour lui, et c’était entièrement à lui de s’adapter. Isy envoya une lettre à Isil dès le premier village ; puis à chaque occasion, une nouvelle lettre partait pour sa terre natale.

Le rôdeur avait cependant eu raison de décourager Isy – il tint deux mois. Trois mois de cette vie de rôdeur, de solitaire, de voyageur. Mais ça ne lui convenait pas du tout… Isy aimait les gens, il aimait apprendre à les connaître, les retrouver, peupler des mêmes visages ses journées. Il avait besoin de se sentir en groupe, il aimait la ville. Arriver quelque part, passer, ne presque jamais s’arrêter, connaître les gens l’espace de quelques heures seulement, voilà qui ne lui convenait guère ; et il faut dire que le rôdeur ne se déridait toujours pas en sa présence. Pourquoi continuer par fierté alors qu’il crevait d’envie de jouer au lance-pierres avec Elven et de sentir la plénitude du travail régulier des champs ? Alors il remercia le rôdeur, et repartit vers chez lui – n’eut pour réponse et pour adieu qu’un soupir méprisant de sa part. Bon.

Il avait évidemment eu le droit à un accueil mitigé – ils étaient si heureux de le retrouver, et en même temps, ne pouvaient que lui reprocher d’être parti ainsi, sans réfléchir, juste au début des récoltes, en plus, et qu’est-ce qui lui avait pris ?

La vie reprend tranquillement son cours.

Et puis voilà qu’il a 22 ans ; il raconte toujours autant de bêtises, à l’oral comme à l’écrit, mais n’a plus véritablement l’idée de partir, seulement celle de rêver. Jusqu’à ce que ce soit Isil qui ait l’idée à sa place…

A force de l’entendre parler de partir, la voilà qui veut partir aussi. Il avait ri, il avait dit oui, il n’y avait pas cru une seconde – mais voilà que c’était leurs familles, maintenant, qui parlaient de les voir partir. La petite se débrouillait quand même vraiment bien, pour persuader le Val entier de la justesse de ses propos.

Pride, alors.

C’est parti !

VI. Et le joueur, c'est qui ? n_n