Hortense d'Ascanthe

III. Présentation du Pouvoir

Faire fleurir ses peintures. Donner la vie au sein de sa toile... Mais n'est-ce là que l'oeuvre de son don ? Laissez-moi en douter.

Le ballet de son pinceau, à lui seul, pourrait faire éclore la plus timide des roses. Et bien qu'elle ait conscience de son pouvoir, jamais elle n'en usera. Du moins, pas sur des toiles pouvant être laisser en pâture aux regards. Pour Hortense, c'est une évidence... "La Magie n'est que tromperie. L'Art, lui, n'illustre que vérité."  
Puisse-t-il y avoir une âme en ce monde qui la réconciliera avec son héritage surnaturel ? Là est un tout autre débat.

Mais un jour différent en tout point aux autres, elle se concentra sur une peau animale. Le cuir vint alors se sublimer d'ornements floraux retombant dans l'espace. De véritables fleurs palpables, à la senteur boisée. Ses lèvres se délectèrent de ces végétaux parfumés à qui elle avait donné la vie d'un seul geste. Leur rosée fut les larmes de Hortense, découvrant bien tard, la beauté de son pouvoir.

IV. Apparence & Personnalité

"Siouplé, veillez à resté dréte. Jé né poux pas mé concétré, geinte dame."

La droiture, les bonnes manières et autres artifices d'une "gente dame"... Quelles misérables inventions hypocrites. Tout comme cet accent qui l'horripilait à mesure que la langue fourchue raclait le palais du peintre. Comment un tel tic du langage avait-il pu se retrouver autre part qu'à la surface ?

A mesure que cet homme agitait son pinceau en se trifouillant la moustache, Hortense se demandait ce qu'elle faisait là. Sa place était derrière le chevalet et non sur cet estrade l'offrant à la vue de tout le monde. Ainsi, elle n'était qu'une vulgaire poupée de cire.

L'oeuvre de l'artiste pouvait, cependant, revendiquer bien des charmes. Les pigments utilisés reflétaient à merveille ce teint blafard auréolé d'une tignasse blonde. S'ajoutant à cela, deux petites touches vert d'eau qui illuminèrent ce sinistre tableau. Les ombres et lumières s'épousaient ou se déchiraient de sorte que l'ambiance s'en dégageant fut intime, presque mystérieuse. Quant aux contrastes et techniques, ils étaient étonnamment travaillés, mettant ainsi en valeur le buste courbé et la pureté du visage. Prisonniers des rayons de l'astre, quelques cils blancs se découpèrent sur l'arrière-fond, dessinant une courbe assez ronde d'où surgissait ces fameux yeux délavés. Tout se terminait par une courbe ovale, où s'éternisait son menton discret. La toilette n'était, certes, pas un symbole de richesse comme le sont ces fameux manteaux de lys. Seulement, ils avaient été choisis minutieusement afin que les couleurs tendres et âcres caressent le spectateur.



Je ne suis qu'une âme égarée. Les vestiges d'un temps révolu où je vivais encore. Et, pourtant... Qui d'autre que moi pour vous dévoiler l’ambiguïté de Hortense. De ce personnage chaviré. Il est vrai que la lumière m'attire, mais avant cela, je désire la suivre. Lorsqu'elle s'en va représenter les Kaäkt, ces magnifiques arbres orangés qu'elle cultive elle et sa famille... Ou bien lorsqu'elle sourit derrière son chevalet, des mèches peintes sur la figure. Mais surtout... Lorsque ses larmes s'entassent dans ses grandes mains creusées. Nul ne sait réellement le pourquoi du comment mais cette femme est affligée, ruinée. Parez-la de n'importe quelle parure, flattez-la de mille mots... Ses maux sont bien plus indélébiles que les vôtres. Pas un jour ne passe sans qu'elle ne se maquille de mélancolie. Et pas un jour ne passe sans que le silence ne la guide.

Ce mariage de sang et de chair semble hors du temps... Une chimère qu'aucun homme ne pourrait se voir caresser du bout des doigts. Dites-lui qu'elle est fiancée, qu'elle va bientôt revêtir l'habit de noces... Peut-être recevrez-vous un acquiescement, peut-être même vous lancera-t-elle un regard perdu. Mais était-ce là la réponse que vous désiriez ?
Sa seule parole, sa seule arme, sa seule révolte... Elle l'exprime à travers le choix de ses pigments, de ses coups de pinceaux et de ses ombres animant ses œuvres. Comprendre son art, c'est comprendre qui elle est vraiment...

En effet, cette petite chose désirerait être femme. Une femme libre et sans l'encre du Devoir. Elle désirerait n'être en aucun cas inféodée à cette caste sociale pour laquelle elle devra bientôt, néanmoins, reprendre les rênes. Un être ayant du mal à réprimer ses envies... Pour cause, elle s'enfuira vers Pride sans prévenir qui que ce soit. Se laissant seule face au monde et ses merveilles. Taisez votre colère, taisez votre inquiétude... Elle est une vague reculant toujours plus vers l'horizon maritime.

V. Historique

La poussière d'âcre fragilisa ses petits yeux. Les joues rougissantes, voilà que la petite sanglotait de douleur. Ses bottes de cuir frappèrent le sol alors qu'elle grattait maladroitement l'endroit où les saletés avaient pénétré. Puis, comme ayant été frappée de curiosité, la petite ouvrit ses mains au-devant d'elle. Quelle agréable couleur, chaude et réconfortante à la fois... Elle s'accordait merveilleusement bien aux maisonnettes pourpres environnantes. Était-ce là la poussière de fée ?

"Bienvenue à Ridewall, ma chère enfant." lui susurra doucement à l'oreille sa mère.

Ses yeux s'écarquillèrent de bonheur... Gambadant dans les rues bondées, elle se laissa perdre parmi la foule, riant de tout cœur envers cette nouvelle vie. En effet, ses parents avaient migré vers la ville pourpre. Ils avaient pour projet de cultiver le Kaäkt, un arbre de grande envergure produisant des huiles médicinales grâce à sa sève. Le bois, quant à lui, était acheté pour délimiter les pâtures où l'on élevait les bétails foisonnant de part et d'autre. Le projet prospéra jusqu'à ce que la famille soit reconnue en tant que sylvizanne à part entière.  Bientôt, se dotant d'une petite fortune, elle acheta davantage de terres à  Sylve de Libre-Fauve afin de bénéficier de plus grands rendements.

Durant ces quelques années, les deux sœurs Hortense et Bëlivya grandirent. Etant l'aînée, l'amour maternel se transforma en une relation tendue, motivée par le futur mariage de l'enfant. Quant au père, il se mura dans la soumission, se contentant d'être frileux à l'égard de sa femme. Ils misèrent tout leur héritage mais également toute leur renommée sur les épaules de leur "adorable" progéniture...

Entre temps, se passa quelques malheureux incidents... Madame d'Ascanthe troqua sa bonté contre une langue de vipère. Il fallait croire que l'argent et le devoir lui montait à la tête. Monsieur d'Ascanthe, lui... Disons qu'il n'était pas bien téméraire. Et lorsque sa femme venait à être aigrie, il préférait passer la soirée à l'auberge, à siroter tranquillement une bière en compagnie de marchands peu louables.    

Les jeux lui retirèrent le respect des populations mais aussi beaucoup d'argent... Et sa tendre épouse décida bientôt d'être à la tête de la famille. Les bases de son éducation devinrent plus solides, mais surtout plus dures. Et alors que Hortense luttait désespérément contre les alliances à bas prix... Sa sœur Bëlivya salit l'honneur de la famille. Quelle acte effroyable que le divorce ! Surtout pour des gens de noble condition. Du moins, le laissait-on croire aux bonnes gens.

Ce fut alors une période de tristes magouilles comportant pot-de-vins, séductions et autre bizarreries afin de conserver leur titre et leurs biens. Toujours est-il que suite à cela, Hortense devint ce qu'elle est aujourd'hui : impassible et silencieuse. L'on ne saurait dire réellement ce qui la poussa à être ainsi... Mais elle ne se dressa plus jamais devant sa vénérable mère.

Oh... Croyez-vous que j'allais conter cette histoire d'une façon poétique et inspirée ? Les mauvaises histoires ne méritent pas de telles mises en valeur. Du moins, d'après le point de vue d'un vieillard comme moi...

VI. Et le joueur, c'est qui ? n_n